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ÉPISODE 2/4

Sécuriser la RD 1075 ?

La sécurité est le principal argument du Département pour justifier ces travaux : « la gravité des accidents devient de plus en plus inquiétante », « les accidents ont presque triplé en 10 ans ». Qu’en est-il vraiment ?

Pour un traitement efficace, il faut d’abord un diagnostic solide. Pour cela, l’État et le Cerema[1] préconisent la « Démarche Sure » (Sécurité des usagers sur les routes existantes). Mais le Département n’a pas appliqué cette méthode. Sur les 780 pages du dossier, les 5 consacrées aux accidents font preuve de faiblesse méthodologique.

Combien d’accidents en 10 ans : 281 ou 67 ?

Avec la « Démarche Sure », le diagnostic ne prendrait en compte que les accidents corporels recensés par le BAAC (Bulletin d'Analyse des Accidents Corporels de la circulation). Or dans ce dossier, on trouve alternativement deux chiffres : 67, pour les accidents corporels recensés par les « services de l’État » (pompiers et gendarmerie), et 281, addition des accidents corporels, des accidents matériels et des interventions, selon « les données d’accidentologie fournies par le Département de l’Isère ». 281, un chiffre impressionnant, est bien plus souvent cité dans ce dossier.

2018, une année noire prise comme référence

Sur ces 281 accidents, 43 se sont produits en 2018, faisant 3 tué·es. Une triste année qui, comparée à 2009, permet au Département d’affirmer un triplement des accidents en 10 ans. Mais le tableau extrait du dossier donnerait lieu à de toutes autres interprétations si au lieu de choisir le pic de 2018, on se fiait aux années plus récentes, comme 2019.

Comparer des routes incomparables

Le nombre de décès sur nos 32 km de route est comparé aux départementales françaises et iséroises. Le résultat donne le vertige mais n’a pourtant aucune valeur. Car la RD1075, par la densité de son trafic, s’apparente davantage à une route nationale (qu’elle fut jusqu’en 2005). Et 2018, année retenue pour cette démonstration, est à la fois la pire sur notre tronçon, et la meilleure à l’échelle nationale : « [elle] enregistre le chiffre de la mortalité le plus bas de toute l’histoire des statistiques de la Sécurité routière »[2].

Aucune preuve que les voies de dépassement réduiraient les accidents

À ce problème de sécurité déjà mal posé, le Département répond surtout par des créneaux de dépassement (77 % du budget total), mais sans avoir analysé les causes d’accident. Il n’explique pas non plus comment le profil de la RD1075, inchangé entre 2009 et 2018, serait responsable du fameux triplement.

Enfin, est-ce qu’ajouter des voies est en général une politique efficace pour diminuer les accidents ? Le dossier ne cite aucune étude qui le prouve. Pas plus qu’il ne fait de comparatif avec des aménagements alternatifs (réduire la vitesse, diminuer la largeur de la route, etc.).

Pourquoi tant d’approximations ?

En mars 2021, Bernard Perazio, Vice-Président en charge des mobilités et de la construction publique au Département, déclarait : « Nous, pour prendre nos décisions, on s’appuie sur des techniciens, des ingénieurs qui sont spécialisés dans l’accidentalité routière »[3]. Alors pourquoi ce dossier d’enquête publique est-il basé sur une méthode si peu « Sure » ?

Quels effets probables auront les aménagements prévus sur la circulation, la sécurité et l’environnement ?

Vous le saurez en lisant les deux prochains épisodes de notre feuilleton

[1]centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement : apporte des expertises techniques et scientifiques en appui aux services de l’État et des collectivités locales

[2]https://www.securite-routiere.gouv.fr

[3]Article du Dauphiné Libéré