vendredi 8 avril

RD1075 – Conclusions de l'enquête publique

La commission d'enquête vient au secours du Département

Dans ses conclusions, la commission d'enquête sert le projet du Département jusqu'à l'allégeance.

Voici quelques citations qui permettent de juger de la valeur démocratique d'une telle enquête.

Le coût engendré par les travaux

Au cours de l'enquête, de nombreux avis dénonçaient le coût exorbitant du projet et la faiblesse méthodologique de l'étude sur la sécurité routière. La commission ajoute une couche de mauvaise foi à celle du Département.

– Selon elle, il suffit de diviser ce coût par 10 (le nombre d'années des travaux), puis de le comparer au budget annuel d'investissement du Département, pour le rendre tout à coup minime.

– « Il est probable, à défaut de connaissance précise, [on appréciera le niveau d'expertise de la commission !] que les millions versés annuellement par les compagnies d'assurances (c'est-à-dire par la collectivité des assurés) [pour les accidents] soient d'un niveau équivalent aux coûts de réaménagement de la RD 1075. » [...] « La perte d'êtres chers reste, quant à elle, incommensurable ».

Rappelons que le Département n'a jamais démontré l'hypothétique réduction des accidents grâce à ces aménagements, ni pris en compte dans le calcul des coûts et deuils ceux induits par la pollution (maladies chroniques, décès prématurés).

Des critiques ? Ridicules !

Alors que l'enquête a été faite auprès des riverain·es, la commission ironise sur le point de vue situé de leurs critiques. Et elle rappelle à ces pauvres gens tout ce qu'ils doivent à la route.

– « La RD 1075 n'est pas une route dédiée au seul bénéfice des habitants du Trièves : elle ne se termine pas en impasse au Col de la Croix-Haute » ;

– « la quasi-totalité des observations recueillies pendant l'enquête émaneraient de résidents du Trièves développant un sentiment d'appartenance de ces routes et chemins à leur patrimoine » ;

– « Les habitants du Trièves apprécient que les transports routiers leur apportent l'indispensable et le superflu, les produits de première nécessité comme le colis d'Amazone [sic], le combustible pour le chauffage comme les matériaux de construction. Les transporteurs en transit sur la RD 1075 servent de la même manière les résidents plus au sud, qui ont les mêmes attentes. »

Quand les Triévois·es refusent la destruction de leur « patrimoine » végétal et animal, l'augmentation de gaz d'échappement et de nuisances sonores, des travaux réalisés ou futurs qui dénient leurs besoins (agricoles, piétonniers, cyclistes...) et menacent leur alimentation en eau et leur sécurité, tout cela est jugé négligeable au regard des colis Amazon à venir ! La commission sait ce que nous voulons et ce qui est bon pour nous !

Avec toute son impartialité, et autant d'imprécision, elle occulte 2/3 des avis, ceux opposés à tout ou partie du projet : « la proportion d'avis favorables au projet [...] apparaît plus forte que celle habituellement constatée dans ce genre de consultation qui génère une plus forte mobilisation des opposants ».

Quelques concessions tout de même

Sur le dossier d'enquête lui-même :

– « Le projet d'aménagement en Isère est concomitant avec des travaux prévus plus au sud, dans la Drôme, les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence. Ces derniers ayant forcément un impact, notamment au niveau du trafic, sur la situation locale, la commission regrette qu'une seule enquête publique couvrant l'ensemble du linéaire n'ait pas été programmée. »

– « Le résumé "non technique" ne permet pas toutefois d'obtenir une synthèse claire et lisible par tout public. »

Nous sommes bien d'accord sur ces points ! Pour autant, la commission n'estime pas nécessaire d'en faire des réserves.

Et la seule critique qu'elle retient concernant les travaux à venir :

– « les nombreuses et fréquentes perturbations » pour les automobilistes pendant les 10 ans de travaux ».

Toutes les autres critiques sont balayées d'un revers de main :

– « Les conséquences néfastes occasionnées par les travaux (pollution, bruit, encombrement) ont toutes été envisagées par le maître d'ouvrage, qui a présenté des solutions » ;

Il faudrait notamment le remercier pour :

– « La prise en compte des modes de déplacement doux » ;

– « La prise en compte de la faune et de la flore ».

Qu'importe que le Département s'en tienne au strict minimum ou que l'étude fasse preuve de nombreux manquements (1), la commission applaudit. Au passage, elle classe opportunément « la prise en compte de la faune et de la flore » dans les « usages locaux » de la route ! Pointant ainsi ce petit « patrimoine » auquel nous sommes égoïstement attaché·es, elle méprise notre attachement à la préservation de la biodiversité dont dépend la survie de l'humanité.

Après tous ces arguments dûment étayés, la commission « considère que ce projet est d'utilité publique ». Et sans apporter aucune réponse à toutes les objections qui démontrent le contraire, elle conclut en donnant un (roulement de tambour) avis favorable !

N'écoutant que son courage, elle émet cependant 4 réserves :

– elle propose la suppression d'un créneau de dépassement (créneau 10 sur Lalley) ;

– elle demande au Département de tenir ses propres engagements : « un aménagement de piste cyclable en site propre entre Clelles et le carrefour de Longefonds [...], le reste du parcours pouvant se faire sur des routes secondaires dont l'aménagement incombe aux communes ou à la Communauté de Communes » ;

– elle insiste un peu, vu que la DREAL avait tiqué sur ce point : ce serait quand même bien de faire des mesures de bruit en dehors des périodes creuses de trafic ;

– elle attend du Département qu'il mette en œuvre son engagement à maintenir des discussions avec les citoyen·nes, car c'est cette promesse qui lui a valu d'obtenir cet avis favorable !

Avec ses timides préconisations, la commission d'enquête donne l'exemple de la qualité d'attention à accorder aux réserves des habitant·es.

Les cyclistes flippent sur une route à 9 créneaux de dépassement ? Qu'iels rallongent leur temps de parcours, se tapent des côtes, ou achètent une voiture ! Et tout le reste est à l'avenant. Le Département est encouragé à poursuivre le dialogue comme il a su si bien le faire jusque-là : refus de Mme Puissat de rencontrer les Lichens, refus de communiquer le dossier avant l'ouverture de l'enquête, organisation d'une réunion publique sous la pression d'une pétition de 200 personnes et selon des modalités illégales permettant d'exclure les personnes ne présentant pas de passe sanitaire puis d'annuler la réunion face à leurs protestations, refus d'organiser une nouvelle réunion publique sans passe vaccinal comme le proposait la mairie du Percy, etc.

  1. https://lichens.trieves.cloud/1.feuilleton : épisode biodiversité