31 mai 2021
RD1075 : que proposent les candidat·es aux départementales ?
Les travaux prévus sur la RD1075, par leur ampleur, leur coût, et les questions politiques qu’ils posent, devraient être un thème central des élections départementales. Mais quelques semaines avant le scrutin, le débat semble prudemment évité, à gauche comme à droite. Cette dernière refuse explicitement d’en faire un enjeu électoral. En bonne logique, elle cache donc aux électeur/ices les documents du projet.
Dans les programmes des différentes listes aux élections départementales, on cherche en vain à quoi elles s’engagent concernant les travaux sur la RD1075. Pourtant depuis quelques années, c’est peu dire que le thème fait débat : participation massive (et critique) lors de la concertation sur le projet ; pique-nique d’opposition puis vélorution ayant réuni à chaque fois plus de cent personnes ; communication au taquet du Département, qui mettait en avant « la plus grosse opération [routière] de ce mandat ».
Un sujet tabou
Pourtant, au moment de repasser devant les électeur/ices, c’est silence radio du côté de la droite. Au titre du bilan (les pré-travaux ayant déjà eu lieu), la « sécurisation de la RD1075 » est à peine mentionnée sur le site de campagne. Et le projet à venir (60 millions d’euros) est introuvable dans le programme. Mais l’obstination à favoriser la circulation automobile reste bien assumée puisque Jean-Pierre Barbier promet le retour à 90 km/h dans les 100 premiers jours de son mandat s’il est élu.
Du côté de la gauche, le site Internet du « Printemps isérois » s’engage à la « fin du soutien aux grands projets inutiles et imposés » et à « soutenir les politiques de développement des mobilités alternatives à la voiture individuelle et au tout carbone ». De beaux principes, mais concrètement ?
Dossier du projet inaccessible
Les électeur/ices doivent donc lire entre les lignes pour supposer le positionnement de leurs candidat·es. Mais en plus iels n’ont même pas accès aux informations sur le projet qui fait polémique. Des éléments qui pourraient guider leur choix leur sont cachés par la majorité actuelle. Dans un communiqué de presse de février 2020 sur le projet, elle affirmait pourtant avoir « la concertation comme unique méthode ». Ou comme unique bla-bla ?
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En octobre 2020, les Lichens demandent à Frédérique Puissat qu’elle leur fournisse le projet actualisé (qui a évolué depuis la version mise en ligne). Pas de réponse.
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Frédérique Puissat avait d'abord décliné la proposition des Lichens de participer à un débat radiophonique. Mais en février 2021, suite à l’annonce d’une vélorution, elle propose un RDV aux Lichens. Les Lichens acceptent le RDV, et demandent pour le préparer la communication des études d’accidentologie que le Département prétend avoir réalisées, ainsi que le projet actualisé. Frédérique Puissat refuse de communiquer ces documents.
Résultat : la préfecture possède une version actualisée du projet, les maires des communes concernées aussi, mais les habitant·es, non. Parce que la connaissance du dossier pourrait amener un vote un peu trop éclairé ?
Frédérique Puissat refuse que le méga-projet soit un enjeu des élections
De là à estimer que les électeur/ices n’ont pas leur mot à dire sur la question, il n’y a qu’un pas, que Frédérique Puissat franchit allégrement.
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Après des échanges avec les Lichens pour fixer un RDV, le 17 mars elle recule, suite à un article publié la veille dans le Dauphiné. Elle écrit : « Nous étions disposés à évoquer avec vous un dossier et à vous écouter dans une logique constructive comme nous l’avons toujours fait sur ce dossier. S’il s’agit comme exprimé par vos soins de faire de ce dossier un enjeu électoral notre positionnement vous le comprendrez est tout autre ».
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Le 4 avril, les Lichens maintiennent leur accord pour le RDV, précisant : « Nous espérons en effet que les élections à venir permettront aux différentes listes de se positionner sur ce projet qui pose des questions de fond : priorités budgétaires, enjeux de sécurité routière, enjeux environnementaux, etc. Pour le reste, soyez assurée que nous ne sommes pas spécialement partie prenante de telle ou telle liste, si telle est votre crainte ».
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Le 5 avril, suite à un accident mortel sur la RD1075, Frédérique Puissat l’utilise comme prétexte pour rompre le dialogue : « Le drame de ce jour me conduit à vous confirmer notre position. En aucun cas je ne ferai de la douleur des familles un enjeu politicien. L’enquête publique qui arrivera sera l’objet si vous le souhaitez de ce rdv. Dans l’attente de celle-ci je ne souhaite pas que ce dossier soit l’objet de propos blessants pour toutes les familles endeuillées ».
S’abriter derrière la « douleur des familles » pour refuser le débat, en voilà une belle pratique « politicienne » !
C’est le moment de débattre !
Le projet de travaux sur la RD1075 doit faire l’objet de la campagne électorale, car il pose plusieurs questions politiques incontournables à notre époque :
– comment résoudre les problèmes de sécurité bien réels sur cette portion de route ? En réduisant la vitesse, en faisant des aménagements qui empêchent les dépassements sur les zones à risques, et en diminuant les flux ? Ou en multipliant les zones de dépassement, en remettant la vitesse à 90 km/h (une des 10 mesures phares du candidat Jean-Pierre Barbier) et en augmentant la circulation ?
– comment réduire la pollution atmosphérique, bien plus mortelle que les accidents ? En développant le ferroviaire et en limitant la circulation routière ? Ou en « fluidifiant » le trafic (ce qui aboutit à son augmentation) au moyen de travaux en eux-mêmes extrêmement polluants (et rognant sur les espaces agricoles et naturels) ?
- , comment freiner le bouleversement climatique et l’extinction massive des espèces ? En mettant en œuvre des politiques de transport réalistes pour demeurer dans les limites d'un monde habitable ? Ou en s'enfonçant dans la grande utopie de l'énergie open bar, et en continuant à aménager (et détruire) le territoire pour l'adapter aux voitures et aux camions ?
Où débattre de ces questions, si ce n’est même pas lors d’échéances électorales ? Les Lichens souhaiteraient entendre les candidat·es apporter leurs réponses.