RD1075 : débat sur les 57 millions d’aménagements prévus

Une fois n’est pas coutume, les NdP sous-traitent le dossier du mois aux “Lichens”, un collectif en lutte contre le projet d’aménagement routier. N’ayant pu organiser de débat en “présentiel”, les Lichens ont sollicité le journal pour que le débat ait lieu par textes interposés. Nous publions donc leur analyse sur les réponses des élu·es à un questionnaire, et trois contributions. Le débat n’est pas clos : en attendant l’enquête publique sur ce projet, les NdP accueilleront volontiers vos courriers des lecteurs ces prochains mois. Le 5 février, les Lichens vous invitent à vous exprimer, lors de l’émission- débat qu’ils organisent sur Radio dragon (voir agenda).

57 millions et 4 enjeux

Quelques opérations « anticipées » sont en cours ou ont lieu, mais la plupart des travaux sont prévus sur dix ans à partir de la fin 2020L'enquête d'utilité publique préalable n'a pas encore eu lieu : il est encore temps de nous exprimer !

57 millions : les élu-es du Trièves ne pensent rien ?

Le Collectif des Lichens a adressé aux élu·es du Trièves – élu·es locaux, sénateur-ice et députée – un questionnaire les invitant à se prononcer sur le choix du département d’investir 57 millions d’euros (M€) dans l’aménagement de la RD 1075, entre les cols du Fau et de La Croix Haute. Seules 7 communes ont répondu aux Lichens : Saint-Jean-d’Hérans (en la personne d’un conseiller municipal), Saint-Maurice, Cornillon, Le Percy, Roissard, Mens et Château-Bernard. Aucune réponse des élus de la com-com ni des parlementaires, ni même des maires des communes traversées par la route : Lalley (investissement prévu par le Département : 7,4 M€), Monestier-du-Percy (6,5 M€) et Saint-Michel-les-Portes (11,5 M€). Idem pour le vice-président de la com- com aux mobilités, par ailleurs directeur d’un foyer d’hébergement situé sur le bord de la route. Pourquoi un tel silence ? Notre questionnaire a été jugé “trop orienté” par plusieurs élu·es. Nous le notons. Mais ce silence traduit probablement leur difficulté à se positionner contre le développement de la route, comme si celui-ci était inéluctable. On suppose aussi qu’avec le terme “sécurisation”, le département a coincé nos élu·es, faisant peser sur les réfractaires la responsabilité de futurs accidents, comme si ces travaux allaient y mettre définitivement fin. Avec seulement 5 réponses à notre QCM (deux élus ont répondu par un texte), impossible de dégager de vraies tendances ; dommage ! Mais ce qui frappe, c’est la contradiction des réponses. Ainsi, toutes ou presque sont favorables à limiter la pollution atmosphérique ou l’artificialisation des terres, mais favorables aussi aux créneaux de dépassement, au maintien de la vitesse et au développement du transit sur la route. De même, une majorité approuve le fret ferroviaire comme meilleure solution aux camions, mais également le trafic de ces derniers sur la route ! Si les élu·es du Trièves ne décident pas de l’usage de ces 57 millions disponibles, le Département le fera à leur place. Et ni le train ni l’avenir climatique n’en sortiront vainqueurs. Les Lichens

Les 12 questions posées aux élue·es

La synthèse des réponses n’est pas reproduite en totalité faute de place, mais peut être obtenue auprès des Lichens : leslichens@riseup.net.

  1. Je pense que faire des créneaux de dépassement est la meilleure solution pour favoriser la sécurité routière sur la RD1075.
  2. Je suis favorable à une limitation de la vitesse pour favoriser la sécurité routière sur la RD1075.
  3. Je pense qu'il est pertinent de dépenser 57 millions d'euros pour la circulation routière.
  4. Je pense que l'argent public serait mieux employé à financer le train et le vélo.
  5. Je pense que le trafic des camions doit être facilité sur la RD1075.
  6. Je pense que le transit des vacancier.es doit être facilité et accéléré sur la RD1075.
  7. Je pense que les camions devraient être interdits sur la RD1075.
  8. Je pense que le fret est une meilleure solution que les camions pour le trafic de marchandises.
  9. Je pense que les politiques publiques doivent œuvrer de façon urgente à la diminution de la pollution atmosphérique et des maladies respiratoires.
  10. Je pense que le progrès, le développement des territoires et la croissance économique prévalent sur tout autre critère.
  11. Je trouve problématique qu'une politique publique aggrave l'artificialisation des terres et la perte d'habitat pour les espèces sauvages.
  12. Je pense que les politiques publiques doivent être sélectionnées en fonction de leur cohérence avec les engagements internationaux de la France concernant la diminution des émissions de gaz à effet de serre.

Entre l’A51 et l’aménagement de la RD, il n’y pas photo

Je vous propose ma participation épistolaire sous la forme d'une réflexion à usage non polémique en reprenant quelques unes de vos réflexions : 1/ D'accord avec vous pour financer le train qui ne peut que transporter des voyageurs ; mais quid des marchandises transportées par semi-remorques transalpins qui circulent en abondance depuis la sortie A51 du col du Fau vers celui de Montgenèvre via celui de Lus ? Leur interdire le passage ? 2/ D'accord aussi pour réduire la vitesse. Mais le fait de construire des créneaux de dépassement, etc. ne va pas forcément fluidifier le trafic car entre ces aménagements existera toujours la RD 1075 avec sa configuration à deux fois une voie, sans possibilité de dépassement. Nous sommes loin d'un itinéraire sécurisé sur toute sa longueur (de Grenoble à Sisteron) qui lui, effectivement augmenterait la vitesse et le trafic : je n'ai pas entendu parler d'un aménagement identique de la RD1075 dans les départements 05 et 04*. 3/ Quant à choisir entre l'autoroute (2 fois 2 voies) à 3 milliards d'€ pour 100kms (30 millions d'€ / km) et l'aménagement projeté à 57millions d'€ pour 30kms (2 millions d'€ /km) il n'y a pas photo, sans compter la préservation des terres agricoles, etc. Je suis persuadé que, quelque soit le financeur, on ne peut pas mettre l'argent deux fois au même endroit et construire une autoroute sur un aménagement ! Je suis marqué par ma participation au combat contre l'A51 et pour l'aménagement des N85, N75, voie ferrée Grenoble-Gap. Vous comprendrez et me pardonnerez mon parti pris. Bernard Baron

Dans la vallée de la Roya

A défaut d'avoir pu construire une autoroute, et sous prétexte de sécurisation, le département investit pour favoriser l'usage de la voiture et le transit des poids lourds, au mépris de ce qui devrait être fait pour assurer la transition écologique. Je connais bien le contexte d'une situation semblable dans les Alpes-Maritimes : le tunnel routier du col de Tende d'une part et la voie ferrée Nice-Breil-Cuneo d'autre part : 210 millions d'€ pour l'un, avec trafic accru, et zéro pour l'autre, avec la fermeture de la ligne en 2022 si SNCF Réseau n'obtient pas un financement minimal de 15 millions d'euros. L'association locale dont je fais partie milite depuis 2007 pour la révision du projet de doublement du tunnel routier et le transfert de financement vers le rail ; sans succès jusqu'ici ! Par contre, sous la pression des habitants, les élus des 5 communes concernées ont émis un arrêté d'interdiction de circulation des poids lourds de plus de 19t. C'est un levier efficace pour dissuader les élargissements. C'est aussi un facteur majeur pour la réduction du bruit. Les pluies du 2 octobre 2020 ont complètement détruit la route, y compris les deux ponts devant l'entrée du tunnel. Tout transit par le col est interrompu pour des années. Le train circule et devient le seul moyen de transport vers l'Italie. Donc subitement les crédits se sont débloqués pour réparer les deux tronçons de 1 km  de la ligne ferroviaire abîmés par la crue et la région déclare que "la ligne est sauvée" ! Mais ont attend pour y croire… Catherine Rainaudo

Équilibre et sobriété

Le montant des travaux, 57 millions d'euros, est excessif. Une trop grande fluidité au-delà des objectifs de sécurité risque de créer un appel d'air et d'augmenter le trafic. Pour autant, ce secteur routier est accidentogène et ne comporte aujourd'hui aucun secteur de dépassement, ce qui encourage à dépasser les poids lourds ou les caravanes en prenant de gros risques. Certains virages sont très dangereux sur chaussée humide ou enneigée. Certains carrefours également, en permanence. Les aménagements du département ne visent pas que le trafic de transit. Ils améliorent également la sécurité des riverains ... et des cyclistes, qui n'est pas liée qu'à une modération de la vitesse. Il n'y a donc pas lieu selon nous de s'opposer à l'existence même de ces travaux. On peut en contester l'ampleur et le manque de concertation en profondeur avec les habitants. Réduire sensiblement cette somme de 57 millions pour la RD 1075 c'est un acte de résilience face aux urgences climatiques. Pourquoi vouloir opposer de manière manichéenne des aménagements de la RD 1075, qui seraient inutiles, à ceux de la voie ferrée Grenoble-Veynes, qui seuls seraient vertueux ? Si la priorité doit être accordée aux transports collectifs, train en tête, il n'y a pas lieu de stigmatiser l'ensemble des aménagements routiers. Votre questionnaire ne nous semble pas à la hauteur du débat, il est orienté et suggère des réponses unilatérales. Il est possible d'améliorer la sécurité routière par des aménagements tout en limitant la vitesse ... et l’impact sur l’environnement. Pierre Suzzarini, maire de Mens, Florence Lorenzi, adjointe, Gilles Barbe et Dominique Gavillon, adjoints, Claude Didier, délégué.